L’extension militaire alliée du cimetière du Sud comporte quelques 860 tombes dont 689 sépultures de militaires du Commonwealth décédés lors de la Première Guerre Mondiale. Ce nombre impressionnant s’explique en partie par les rapatriements successifs à Tournai des dépouilles de 272 soldats « de Sa Majesté » inhumés de manière isolée dans le Hainaut, mais aussi dans d’autres provinces belges. Par pur hasard, ces regroupements ont engendré une coïncidence historique : se retrouvent à Tournai les premiers et derniers binômes d’aviateurs de la Royal Air Force tués au combat pendant la Grande Guerre : Vincent Waterfall et Charges G. Bayly d’une part (tombes 3 et 4 de la parcelle III, rangée G) et William Alexander Rodger et Alexander William Mac Hardy de l’autre (tombes 10 et 11 de la parcelle IV, allée O). Voici leurs histoires.
Le 22 août 1914, un peu après 10 heures, le lieutenant Charles G. Bayly accompagné du sous-lieutenant Vincent Waterfall décollent de Maubeuge à bord d’un avion de type « Avro 504 » du 5e escadron du « Royal Flying Corps » (appellation d’alors de l’aviation militaire britannique). Ils partent en reconnaissance pour tenter de localiser les avancées des troupes allemandes (en ce début de guerre, ce type de mission représente la tâche exclusive des aviateurs : on en est encore aux balbutiements de l’aviation militaire, les avions ne disposent pas encore d’armes). Vers 11 heures, les deux officiers survolent Marcq (entité d’Enghien) et tombent sur une imposante colonne allemande composée de cavaliers et de fantassins : ceux-ci ouvrent le feu sur l’aéronef et l’abattent. Les deux aviateurs perdent la vie dans cet épisode ; ils avaient tous les deux 23 ans… Leurs dépouilles, d’abord enterrées sur le lieu du crash puis au cimetière communal de Labliau (Enghien), seront transférées à Tournai en 1924.
Quatre ans plus tard, les principaux belligérants ont considérablement développé leur aviation : le nombre d’avions en service dans chaque camp s’élève à plusieurs milliers d’appareils tous équipés d’armes et les missions qui leur sont dévolues ont beaucoup évolué : chasse, attaque au sol et bombardement se sont ajoutés à la reconnaissance. Symbole de cette montée en puissance, l’aviation anglaise est devenue une composante autonome de l’armée britannique au même titre que la « British Army » ou la « Royal Navy », et porte maintenant l’appellation de « Royal Air Force » (RAF).
En ce début novembre 1918, alors que les Allemands ont accepté le principe d’un armistice depuis le 07 et négocient les conditions de celui-ci, les opérations offensives des Alliés se poursuivent pour faire pression sur l’ennemi, ce dernier ne restant d’ailleurs pas amorphe. C’est dans ce contexte que le 10 de ce mois en milieu de matinée, le second lieutenant Alexander William Mac Hardy prend l’air depuis l’aérodrome de Clary - Iris Farm (région de Cambrai, département du Nord, France) aux commandes d’un chasseur « Bristol F.2B » avec le Lieutenant William Alexander Rodger au poste d’observateur-mitrailleur. Avec sept autres avions, ils ont pour mission d’escorter des bombardiers « De Havilland » pour un bombardement dans la région de Charleroi. Un peu plus d’une heure plus tard, alors que la formation anglaise vole dans la zone de son objectif, elle est surprise par une formation d’avions allemands « Fokker DVII » (chasseurs monoplaces « derniers cris » déployés en avril 1918 et considérés comme les meilleurs appareils allemands du conflit) : un combat aérien s’engage, occasionnant la perte de 4 appareils côté allemand et 7 (deux chasseurs et cinq bombardiers) côté anglais, dont l’avion de Mac Hardy. Celui-ci, abattu par le lieutenant Hans von Freden (« AS » allemand dont ce sera la 20ème et dernière « victoire »), tombe dans une prairie du hameau de Martinsart à l’Est de la commune de Froidchapelle.
Alexander William Mac Hardy etWilliam Alexander Rodger avaient respectivement 24 et 25 ans et étaient tous deux originaires du Canada. Leurs corps, d’abord inhumés à Froidchapelle rejoindront l’extension militaire alliée du cimetière du Sud en 1949.
Par Damien Lesne.